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Fin de carrière

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   Quand j’arrive, il ne reste à la carrière que neuf jours de vie. Neuf jours exactement et les mangeuses de pierres s’arrêteront. Plus un bruit, plus un ouvrier. Juste un hangar vide entouré d’un amas de dalles dressées comme des pierres tombales. La carrière fermera définitivement. Et pourtant, en ce début décembre, chacun est à sa tâche. Comme hier et pour désormais neuf jours.


   Bouchons dans les oreilles, les uns scrutent la ligne rouge du laser pour aligner les bloques avec la lame, les autres caressent la pierre après chaque coup de burin pour savoir si il faut encore enlever de la matière.


Un geste rapide, un coup de mètre, d’équerre pour confirmer le placement et la scie circulaire se met à hurler. Fer contre pierre dans un postillon d’eau blanchâtre. Les dents de l’ogresse se taillent un chemin rectiligne dans le minéral. Elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir traversé. Pas de quartier. Trois postes, trois lames, trois bloques mis en pièces.


Plus loin dans l’atelier, le rapport à la pierre se fait intime. On ne tranche plus. Pas de grands coups de dents, on avance à petits éclats, jusqu’à la
forme parfaite, lisse au touché. La main vient confirmer ce que l’œil a vu, ce que l’outil a ôté. Neuf jours encore.

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